Ton album "Femmes Debout" est sorti il y a une semaine. Pile à l’heure dans une actualité féminine très forte ?

C’est presque un hasard de calendrier ! L’album sort après 6 ans d’écriture autour de la question de la femme, au moment où il y a une prise de conscience internationale sur le sujet. Enfin ! Mais cette question là, c’est surtout une question d’humanité, au-delà de la question de la femme. C’est le respect de l’autre, ce sont des notions basiques qu’on a oublié. Cela nous paraît féministe, mais en réalité c’est simplement humaniste.

Zoé Simpson est un personnage nourri de théâtre. Quel est ton rapport à cet art ?

 J’ai commencé à jouer enfant, et ça m’a donc accompagné toute ma vie. Mon grand-père était comédien et a créé le Festival d’Avignon avec Jean Vilar, et j’ai été bercé par tous les récits de théâtre, de costumes, de planches. Ce que je retiens surtout, c’est le théâtre populaire, l’idée d’apporter le théâtre là où il n’est pas.

Et puis aussi, ce sont les textes que j’ai rencontrés en tant que comédienne, qui sont très forts, ainsi que les personnages féminins dans ces grands textes.

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"Iphigénie" par exemple, qui est le titre d’une de tes chansons ?

Exactement, c’est un personnage que j’ai joué et qui m’a bouleversé, et qui dit beaucoup de la femme d’aujourd’hui. C’est la mythologie, mais nous sommes en 2017 et les femmes sont toujours, symboliquement ou pas, sacrifiées pour que les hommes aillent à la guerre. C’est aussi l’histoire de Kayla Muller, cette humanitaire qui a été enlevée en Syrie, pour devenir l’esclave sexuel d’un chef de Daesh avant d’être assassinée.

D’une manière générale, les personnages féminins de théâtre me fascinent, Iphigénie, Antigone. Ce sont des personnages très inspirants.

Zoé Simpson, c'est une chanteuse mais aussi un duo, que tu formes avec Malcolm.

Avec Malcolm, nous nous connaissons depuis très longtemps. Il produit, il manage, il compose, il a toute une vie de musicien. Ce projet, Femmes debout, est aussi né de cette rencontre artistique parfaite, où nous sommes seuls, tous les deux. C’est un peu notre troisième enfant !

Malcom sent beaucoup plus les choses que moi au niveau musical. Je me considère comme une chanteuse, je suis les mots et lui les notes. Ça peut démarrer par la musique ou par le texte, mais j’ai une confiance aveugle dans la rencontre de nos univers créatifs. Je me livre complètement à ses mélodies. Nous avions senti déjà, lorsqu’il composait pour Les Valseuses que ses notes et mes mots s’attiraient.

Comment s’est passé l’enregistrement de "Femmes debout" ?

Ça a été tout un parcours. Très particulier. On a commencé l’enregistrement dans un grand studio, avec une équipe nombreuse et une couleur très pop. Nous sommes en 2015, et le 12 novembre, je perds ma mère. Ce même jour je commence à écrire Novembre sous les cendres. Le lendemain, ce sont les attentats qui frappent Paris et Saint-Denis. Pour l’album et pour moi, tout a changé à ce moment-là. J’ai eu le besoin de revenir à l’essentiel, en petit comité, je me suis enfermé chez moi, et d’épurer au maximum pour essayer de retourner à l’essence des choses.

C’est un titre-clé "Novembre sous les cendres" ?

Oui complètement. Il a déclenché beaucoup de choses. Je me suis rapproché de moi, beaucoup plus que prévu. Ces deux jours ont été un tel chaos, qu’il a fallu puiser dans la force de se reconstruire, et d’utiliser la musique pour bouger, danser, rester vivants.

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Il y a ce double choc, et c’est très difficile d’écrire sur ce sujet, difficile de faire une bonne chanson. J’ai voulu être le plus sincère possible et évoquer le factuel. Le jour de la mort de ma mère, je me suis mise à écrire tout ce que je voyais, tout ce que je ressentais. Je voulais marquer ce qui se passait dehors, et ce qui se passait en moi au même moment. C’était le moyen de tenir debout. Et puis le lendemain, s'y ajoute l’horreur absolue…

Je raconte une histoire personnelle avec mes mots, et la musique la raccroche à une histoire globale, avec une énergie qui évoque la force populaire qui nous a rassemblés.

Quelle est la place de cet album dans ta carrière d’artiste ?

Ça ne pouvait pas arriver avant. Je n’étais pas prête je pense. J’ai vécu beaucoup de choses qui m’ont inspiré pour ces chansons-là, mais plus que de la maturité, c’est l’album juste. Juste, dans le sens où ma démarche artistique est au bon endroit. En fait, avant j’étais en recherche, je ne le savais pas mais le but était cet album. C’est une forme d’achèvement et en même temps c’est mon premier album solo, donc c’est un début plutôt qu’une fin.

Qui sont les chanteuses et chanteurs qui t’inspirent aujourd’hui ?

Il y a beaucoup de gens qui m’inspirent, dont certains que j’admire. Des artistes comme Ben Mazué, Arthur H chez les hommes. J’adore Camille, évidemment, sa voix incroyable et sa liberté sur scène. Il y a Clarika aussi, Emilie Loizeau, Mademoiselle K., Loane, qui est une artiste qui me bouleverse réellement. Il y a pas mal de monde !

Ton univers a aussi son identité visuelle, au travers de clips et de projections video live ?

Je travaille avec Camille Laloux, qui a notamment fait le clip de Novembre sous les cendres. Elle dessine et réalise, en utilisant la technique de la rotoscopie. On travaille ensemble l’identité visuelle du projet, et en concert il y a des projections vidéo. Chacune dans notre expression, elle qui dessine et filme, et moi qui écris, je crois qu’on est au même endroit. Quand elle m’a présenté le projet de clip, j’y suis allé les yeux fermés en lui donnant carte blanche.

La musique passe beaucoup par l’image maintenant, on ne peut pas faire l'impasse. Mais c’est très bien, parce que c’est un champ des possibles incroyable, il peut se passer tellement de choses en liant l’image à la musique.

Comment définirais-tu ta musique, et ta démarche artistique ?

Ma musique, formellement, c’est de la chanson française, à texte, dans un univers musical pop-électro. C’est l’étiquette en quelque sorte. Quant à la démarche… J’ai le besoin que les voix de ces femmes de mon album soient entendues. Elles sont à un moment de leur vie où se passent des choses sur lesquelles je veux qu’on s’arrête. Elles traversent quelque chose qu’il faut comprendre, entendre, des paroles, des émotions. En tant qu’artiste, je veux porter un regard sur le monde. Un regard particulier, intime, personnel. Il y a des idées de fond, universelles, dont l’artiste se saisit pour les repartager.